Quels étaient, dans les années soixante du siècle dernier, les évènements importants qui ont marqué le monde et retenu l’attention de l’opinion internationale?
D’abord, la guerre froide entre les deux blocs, les pays occidentaux menés par les USA et l’ex-bloc de l’Est conduit par l’ex-Urss, l’Union soviétique, qui était à son paroxysme (en effet, la construction du Mur de Berlin, divisant la ville en deux, scella le sort de l’ancienne capitale du 3° Reich et a failli être le détonateur d’une la 3° guerre mondiale). Ceci a eu lieu après la bataille de Bizerte) Ensuite, et en Europe, la France était enlisée, depuis 1954, dans la guerre de libération algérienne, cette révolution qui a été l’une des raisons principales du retour du Général de Gaulle aux affaires. Celui-ci est arrivé au pouvoir en 1958, suite à l’instabilité chronique des gouvernements et au putsch des généraux d’Alger qui a failli plonger la France dans une guerre civile.
Ce fut, par ailleurs, la cause de l’instauration de la 5e République. C’est aussi le Général de Gaulle qui, après le bombardement de Sakiet Sidi Youssef, le 8 février 1958, par l’aviation française venant d’Algérie et la bataille de Remada, le 25 mai 1958, avec les troupes françaises encore implantées au sud tunisien, négocia avec le gouvernement tunisien l’évacuation, avant l’automne de 1958, de l’armée française de tout le territoire tunisien, à l’exception de Bizerte. Et c’est ce qui se réalisa effectivement. Enfin, notre pays, qui est indépendant depuis le 20 mars 1956, et après avoir aboli la royauté et proclamé la République en 1957, et malgré des déchirements sanglants qui ont eu lieu au sein du parti politique, le Néo-Destour, entre son président, Habib Bourguiba, et son secrétaire général, Salah Ben Youssef, a élu le leader Habib Bourguiba comme premier président de la République, le leader Habib Bourguiba.
De même, à nos frontières ouest, nos frères algériens se battaient, depuis sept ans, contre la France, pour leur indépendance. Avant la proclamation de l’autonomie de la Tunisie, les moujahidines algériens, qui avaient commencé leur révolution armée le 1° novembre 1954, étaient confinés dans leurs djebels et avaient beaucoup de difficultés à recevoir armes et équipements de l’étranger, leurs frontières Est et Ouest étant, fortement, bouclées et interdites par l’armée française. Plusieurs tentatives de débarquement de petits matériels sur les côtes algériennes s’étaient souvent soldées par des échecs. La Tunisie, gouvernement et peuple, a fourni à l’ALN le gîte, l’assistance et la liberté de manœuvre nécessaires, lui permettant de s’organiser, de se préparer, de s’équiper et de s’entraîner, en toute sécurité, pour continuer le combat dans les meilleures conditions.
L’ALN était implantée, essentiellement, dans les régions montagneuses, dans une trentaine de camps qui parsemaient, le long des la frontière, les gouvernorats de Souk Larbâa, aujourd’hui Jendouba (surtout dans la zone du bec de canard dans la région de Ghardimaou), du Kef et de Kasserine. Armes, munitions et équipements militaires commençaient à être introduits par nos frontières sud. Officiellement destinés à notre armée, transportés par nos véhicules militaires, ils étaient transbordés de nuit et emmenés jusqu’aux bases de l’ALN implantées le long de la frontière. Avec trois bases logistiques à Tunis, Le Kef et Tajerouine, un hôpital de campagne au site archéologique de Chemtou, une Ecole des cadres à la ferme Beni près de Mellègue non loin du Kef, et le Poste de commandement à Ghardimaou, son organisation et ses capacités opérationnelles se sont nettement améliorées depuis la désignation, en 1958-59, du Colonel Haouari Boumedienne à la tête de l’étatmajor-Est, en remplacement du Colonel Mohamedi Saïd (Colonel Nasseur, de son nom de guerre).
Le Colonel Boumedienne a eu l’intelligence d’avoir utilisé une pléiade d’officiers algériens, capitaines pour la plupart, qui servaient dans l’armée française et qui ont déserté, en 1958, depuis la France et l’Allemagne, pour se mettre à la disposition de la révolution algérienne. Ces brillants officiers dont les capitaines Mohamed Zerguini, Abdelkader Chabbou, Bouthella, Abdelmoumen, Sliman Hoffman et Ben Chérif, entre autres, ont été, dès leur arrivée, l’objet de suspicion et de réserve de la part du FLN et n’avaient pas été désignés dans des fonctions dignes de leur grade et de leur expérience. Ils ont été rejoints, quelques mois plus tard, en utilisant des passeports tunisiens, par une douzaine de jeunes lieutenants algériens qui étaient nos camarades de promotion à St Cyr et qui servaient à titre de Français dont feu Abdelmajid Lellahom, Khelil, BouZada, Aggoun, etc.
Nous les avons retrouvés, ceux-ci et ceux-là, à la frontière tuniso-algérienne et nous avons été témoins de leurs très grandes qualités opérationnelles, de leur patriotisme et de leur sens développé du sacrifice. Certains d’entre eux sont morts au champ d’honneur mais la plupart ont assumé, à l’indépendance, d’importantes responsabilités nationales. C’est dans cet environnement géostratégique qu’éclate la guerre de Bizerte. Certains diront, plus tard, et à tort je pense, que Bourguiba cherchait à faire cette guerre, tout en étant sûr de son issue militaire sera négatifve, et ce, uniquement pour se refaire une virginité par rapport à l’Orient arabe et surtout à son grand rival politique, le président Nasseur qui considérait Bourguiba comme étant acquis à l’Occident, il était, par conséquent, antiarabe. Ce qui était, absolument, faux. Il y a lieu de préciser que les rapports de force en présence étaient disproportionnés entre les deux antagonistes. L’armée française, implantée dans la base de Bizerte, disposait d’effectifs importants et était dotée d’avions de combat, d’hélicoptères, d’unités de chars, d’artillerie classique et anti-aérienne et d’unités navales et d’une infrastructure conséquente.
L’armée tunisienne disposait dans la région de très peu d’unités, ainsi que de quelques groupes de gardes nationaux. Cependant, le 19 juillet à 14h00, la radio tunisienne diffuse un communiqué du Gouvernement tunisien interdisant aux aéronefs militaires français le survol de la région de Bizerte et ordonnant aux forces tunisiennes d’ouvrir le feu sur tout avion français survolant nos positions. Cela a été fait dans le but d’empêcher toute possibilité de renforcement de la base de Bizerte par des éléments venant de l’extérieur et surtout d’Algérie.
Faut-il rappeler qu’une semaine plus tôt, une section de mortiers de 81 mm commandée par notre camarade de promotion, feu le Lieutenant Saîd El Kateb, arrivé au grade de général, a pris, très discrètement, position à la gare de Sidi Ahmed, à la lisière de la base aérienne française. Elle a eu le temps nécessaire pour se préparer, discrètement, à cette mission très particulière, celle de bombarder de nuit et sur ordre du commandement la base de Sidi Ahmed. L’ordre d’attaque lui est arrivé l’après-midi du 19 juillet et l’horaire d’attaque lui a été laissé à son initiative. En effet, ses tirs, effectués tard dans la nuit du 19 au 20 juillet, occasionneront des dégâts importants non seulement aux installations de Sidi Ahmed et d’El Karrouba, mais aussi incendiant un avion Nord Atlas et endommageant plusieurs avions de liaison stationnés sur ces bases. Notre commandos a été pris à partie d’abord par des tirs de contre-batterie et au petit matin du 20 juillet par l’aviation, utilisant roquettes et canons. Il a fallu l’intervention des avions Corsaire avec des bombes de cinq cents livres lâchées à près de cinq cents mètres de leurs paras pour arriver à déloger notre vaillante unité. En fin d’après-midi, un groupe d’avions Nord atlas français largue sur la base deux compagnies de parachutistes, venant d’Algérie. Ils ont été aussitôt pris à partie par nos mitrailleuses.
Notre camarade le lieutenant Ismaiel Bey est allé, avec sa compagnie renforcer le barrage de la Pêcherie, non loin de la base navale. L’armée française a riposté par des tirs de contre-batterie sur nos différentes positions occasionnant, entre autres, une rupture de nos liaisons radios, ce qui nous gênera beaucoup pour la poursuite de la coordination de nos opérations. Des avions et des hélicoptères ont effectué des survols intenses sur nos unités.
Le soir même, des éléments du génie tunisien ont mis en place des câbles en travers du canal et des canons et des armes automatiques ont été positionnées sur les berges du canal dans l’intention d’entraver les mouvements des unités navales ennemies. L’aviation française a bombardé nos positions qui ont été installées autour de la base ; celles-ci ont été aussi prises à partie par les armes des forces terrestres françaises et comme nos liaisons ne fonctionnaient pas en permanence, nous ignorions tout sur leur sort. Le même soir, tous nos canons antichars du groupe d’artillerie ont été mis hors d’usage par l’aviation ennemie. Au cours des premières heures de la journée du 20 juillet, à Menzel Bourguiba et vers la porte de Tunis, un échange nourri de rafales d’armes automatiques eut lieu avec les éléments d’infanterie.
Au même moment la porte de l’arsenal ou porte de Bizerte est attaquée à coups de grenades incendiaires et de charges explosives par nos hommes. Ceux-ci essayaient de la détruire pour pénétrer dans l’arsenal provoquant, vers 5h00 du matin, une riposte généralisée.
Très tôt le matin, vers 5h00, notre camarade de promotion le Lieutenant Taieb ben Aleya, positionné au carrefour de Teskraya et chargé de guider la batterie d’artillerie de 105 mm venant de Medjaz El Bab et devant se rendre à Bizerte fut la cible d’un bombardement aérien intense de l’aviation, ce qui a détruit sa jeep. L’officier a été porté disparu. C’est le deuxième martyr de la promotion, mort au champ d’honneur. La batterie, n’ayant pas été informée de la réelle situation qui prévalait et de la bataille qui faisait rage, passa normalement devant la base de Sidi Ahmed. Elle a été prise à partie, et par les armes de défense de la base et par les avions Corsaire, Mistral et Aquilon qui lui causèrent énormément de pertes. Son commandant, notre camarade de promotion, feu le lieutenant Béchir Ben Aissa, rejoignit le P.C. de l’état-major Tactique à la caserne Japy, devenue caserne Ouali avec très peu d’hommes. Au lever du jour, toutes nos positions étaient attaquées par l’aviation et la compagnie positionnée près de la Pêcherie a été disloquée.
Nos tirs antiaériens, de faible intensité du fait de nos moyens limités, n’ont pas été très efficaces. Compte tenu de tout cela, l’ordre de resserrement du dispositif vers la ville a été donné. Nos éléments, commandés par nos camarades le lieutenant Said El Kateb, qui, attaqué par l’aviation, a été obligé de changer de position et ceux du lieutenant Taoufik El Jemai, ont opposé une vive résistance aux éléments d’infanterie et de la marine, chargés de la défense d’El Kharrouba. Ceux-ci, appuyés d’automitrailleuses ont quitté leur position pour se diriger vers Tinja mais ont été contraints d’arrêter leur progression. Les compagnies commandées par nos camarades les lieutenants Mohamed Benzerti, positionnées au Djebel Rhara et par le lieutenant Tahar Ben Tanfous, harcelées par l’artillerie de marine ennemie, ont reçu l’ordre de se replier sur la ville de Bizerte.
Nos vaillants soldats qui tenaient la position stratégique du marabout de Sidi Zid surplombant la grande piste de Sidi Ahmed, assez bien protégés par leurs tranchées en zigzags, feront preuve d’un très grand courage. Ils se battront comme des lions face aux paras qui ne prendront la position qu’après un corps à corps meurtrier. L’état-major tactique installé à la caserne Japy à Bizerte, composé du Lt Colonel Ali Kortas (commandant le 5e bataillon), du commandant Mohamed Salah Mokaddem (chef d’état-major tactique), du commandant Bechir Hamza (commandant le détachement du génie), du commandant Mohamed Bejaoui (commandant le groupe d’artillerie), du lieutenant Abdelhamid Escheikh (officier opérations), du lieutenant Salah Bouhelal (officier logistique), du S/Lt Meftah (officier génie), du S/ Lt Hédi Ouali (officier transmissions), ayant appris que les troupes françaises avaient forcé les barrages et avaient poursuivi jusqu’à son terme l’opération destinée à dégager la base de Sidi Ahmed, a dû se replier sur Zhana. Il s’est rendu auparavant chez le gouverneur.
C’est alors que le gouvernement tunisien, ne souhaitant pas que des officiers supérieurs soient faits prisonniers, leur ordonna ainsi qu’au gouverneur de quitter Bizerte et de se replier sur Tunis. C’est alors que nos camarades de promotion, la 1ère promotion d’officiers de l’indépendance, ainsi que quelques autres officiers présents, ne voulant pas céder à la panique et dans le but de défendre l’Honneur de l’armée et celui du pays s’étaient réunis à la caserne Japy, pour faire l’évaluation de la situation, ils décidèrent de continuer le combat coûte que coûte. Ils avaient constitué un état-major provisoire comprenant les lieutenants Noureddine Boujellebia, Hamida Ferchichi, Abdelhamid Escheikh, Bechir Ben Aissa, Salah Bouhelel, Abbes Atallah et le S/Lt Hedi Ouali.. D’autres camarades et officiers commandants d’unités ont assisté à cette réunion dont les lieutenants Ammar Kheriji, Mohamed Benzerti, Abdelhamid Lajoued, Tahar Ben Tanfous, les S/Lts Abderrahman Chihi, Boualem, Salem, Aziz Tej et Naji. Au large et à vue d’œil, se trouvaient les croiseurs Colbert, De Grasse, l’Arromanche et plusieurs escorteurs d’escadre. Le vendredi 21 juillet vers midi, les troupes françaises s’approchaient de la ville.
Elles étaient près du cimetière de Bab Mateur et attaquaient les casernes Farre et Japy avec l’appui de l’aviation ennemie qui avait la maîtrise absolue du ciel du fait de l’inexistence d’armes anti-aériennes pouvant la gêner. Toutefois, une vive résistance a été opposée à ces attaques causant des pertes sérieuses à l’ennemi. Le harcèlement des installations françaises continuait et des blindés ont été détruits. En début d’après-midi, des éléments blindés français progressaient cherchant à occuper le centre-ville de Bizerte. Vers 15h00, tous nos éléments s’étaient repliés sur la ville de Bizerte et le combat de rues s’organisait. L’axe principal, l’avenue Habib-Bourguiba, était tenu par nos éléments à la tête desquels se trouvaient le commandant Bejaoui, les Lts Ben Aissa, Khriji, et le S/Lt Ouali. D’autres axes importants étaient tenus par les Lts Lajoued et Boujellabia.
Vers 19h00, le commandant Mohamed Bejaoui, très affecté par la destruction de son groupe d’artillerie, a tenu à aider les jeunes officiers dans ce combat inégal mais héroïque. Il a été touché par une rafale de mitrailleuse tirée par un char qui débouchait non loin de lui. Il a été mortellement atteint et, une demi-heure plus tard, il est mort au champ d’honneur l’arme à la main non sans avoir recommandé aux officiers présents de continuer à se battre. Devant la puissance de feu des troupes françaises qui avaient utilisé tous les moyens en leurs dispositions (paras, blindés, avions de combat, unités de marine, etc.) nos unités avaient reçu l’ordre, vers 19h30, de décrocher sur la médina de Bizerte où le combat ne peut être effectué que par des hommes à pied, c’est-à-dire par l’infanterie. Ainsi, le combat ne serait plus aussi inégal, à l’avantage de nos éléments. La nuit tombée, nos unités ont installé un dispositif resserré dans la ville arabe, laquelle était dominée par l’immeuble de l’Otla, haut de plus de dix étages et qui était occupé par les familles de militaires français.
Le 22 juillet à l’aube, des tirs nourris provenant de cet immeuble visaient nos combattants se trouvant sur les terrasses de la médina. Plusieurs tentatives d’assaut de la médina ont été repoussées, l’ennemi subissant des pertes sévères. Tous nos hommes étaient décidés à continuer le combat jusqu’à épuisement des munitions. Il y a lieu de signaler que les sous-lieutenants Mohamed Aziz Tej (2e promotion) et Hédi Ouali (3e promotion) qui ont été admirables de courage et de bravoure ont été mortellement blessés, à près de vingt-quatre heures d’intervalle, et sont morts au champ d’honneur. Le plan de défense de la médina élaboré par nos camarades s’est avéré efficace. En effet, le dispositif tunisien était basé sur un déploiement équilibré permettant de faire face aux attaques françaises d’où qu’elles viennent. Nos camarades de promotion se sont battus vaillamment. Parmi eux, personne ne pouvait prétendre être un superhéros par rapport à ses camarades car tous étaient des héros.
Cependant du fait de leur jeune âge, la moyenne étant de vingt-cinq, vingt-six ans, et de leur mince expérience — ils n’avaient que cinq ans de service —, ils ont eu des moments d’incertitude, d’angoisse et de peur mais ils n’ont jamais eu de doute. Et c’est grâce à leur solidarité, à leur union et à leur détermination qu’ils avaient décidé, tant qu’ils avaient avec eux ces jeunes et braves soldats et ces remarquables sous-officiers dont certains avaient assez d’expérience ainsi que des armes et des munitions, de se battre jusqu’à la dernière cartouche. Vers 20h30 du 21 juillet, le secrétaire d’Etat à la Défense nationale, Bahi Ladgham, donnait l’ordre de cessez-le-feu, lequel a été bien observé par nos hommes ainsi que du côté français. Que doit-on retenir de ces quatre jours de combat ? De cette guerre d’un genre particulier ? De cette guerre atypique où les jeunes citoyens avec et sans armes n’ont servi qu’à gêner nos unités en les empêchant de manœuvrer correctement et efficacement face à l’ennemi ?
D’abord, la détermination d’un groupe de très jeunes officiers courageux dont nous sommes très fiers — onze au total — qui, bien que n’ayant pas encore assez d’expérience, mais animés par cet esprit patriotique, par le sens de l’honneur et du devoir, et convaincus de leurs droits, n’ont pas baissé les bras et ont relevé le défi : celui de tenir coûte que coûte la médina, malgré le déséquilibre des forces en présence et ont tous juré de se battre jusqu’à la mort. Ensuite, beaucoup de pertes en vies humaines, pertes inutiles en comparaison des résultats obtenus : près de 500 morts, 1.500 blessés, 600 disparus ou prisonniers.
Enfin,
1° – l’anarchie indescriptible provoquée par l’intrusion de milliers de jeunes destouriens, citoyens sans armes pour la plupart, sans aucune préparation militaire et qui n’ont servi qu’à gêner les opérations de nos troupes ;
2°- le manque manifeste de planification et de préparation de pareille opération militaire, le pouvoir politique n’a mis le Commandement militaire au courant de sa décision de mener cette bataille que quelque 24 heures avant son déclenchement (!);
3°- la nécessité pour tout chef politique, quels que soient son charisme et ses compétences, de demander et d’écouter, dans pareille situation, l’avis du commandement militaire et l’associer à de telle œuvre, ô combien décisive pour le pays;
4°-Bourguiba s’est-il trompé dans son appréciation de la situation ? En tout cas, il a démontré qu’il ne connaissait pas du tout de Gaulle, très différent des hommes politiques de la IVe République dont il était familier et dont il connaissait l’esprit et la démarche politiques;
Bourguiba a-t-il eu tort ou raison de chercher «la bagarre» avec la France, à ce moment précis ? Aurait-il dû essayer de régler cette question par d’autres moyens politiques tels que les pressions qu’auraient pu exercer sur la France les grandes puissances occidentales dont il était très proche ? A-t-il vraiment voulu se refaire une virginité par rapport au monde arabe dont le leader de l’époque, Abdennaceur, usant de sa forte propagande, gênait Bourguiba en le traitant de valet de l’Occident et de traître à la cause arabe? Dans un cas comme dans l’autre, l’Histoire portera certainement un jour son jugement !
La bataille de Bizerte est perçue par beaucoup de monde comme un point noir dans l’extraordinaire épopée de Bourguiba qui restera, dans la mémoire collective, comme étant un grand homme politique, le Zaim visionnaire, le leader du mouvement de libération nationale, le créateur de l’Etat tunisien moderne et le libérateur de la femme tunisienne.
Il marquera, sans aucun doute et d’une manière indélébile, l’Histoire de notre pays. Bizerte sera définitivement évacuée le 15 octobre 1963. Gloire éternelle à tous nos martyrs parmi la jeunesse destourienne, les forces de sécurité intérieure (garde nationale, police et douanes) et les militaires qui ont irrigué de leur sang le sol sacré de notre pays et qui sont tombés au champ d’honneur pour l’indépendance et la liberté de notre chère Tunisie. Soixante années plus tard, notre pays fête la commémoration de la bataille de Bizerte dans une nouvelle ère de liberté et de dignité, fruit de la révolution du peuple et de sa jeunesse, la révolution du 14 janvier 2011.
Les jeunes et les moins jeunes doivent être, à plus d’un titre, fiers de leur Armée nationale et républicaine : en effet, commençant à peine à faire ses premiers pas, en 1961, puisque n’ayant que cinq ans d’existence, et grâce à une poignée de très jeunes officiers courageux, talentueux et déterminés, ayant presque le même âge que les jeunes qui ont fait la Révolution du 14 janvier, l’armée tunisienne a tenu tête à la toute puissante armée française.
C’est la même armée tunisienne, qui, malgré la tentative honteuse, diabolique et criminelle de sa décapitation, en 1991, par son inculpation d’un complot imaginaire ourdi par les hommes de l’ombre et connu sous le vocable de complot de «Barraket essahel», dans lequel 244 militaires, dont une centaine d’officiers, représentant l’élite et la fine fleur de nos cadres, ont été injustement humiliés, dégradés, maltraités et même torturés, n’a pas perdu ses repères. Croyant fermement aux valeurs morales et patriotiques que lui ont léguées les anciens, ceux qui ont combattu les forces françaises à Bizerte et ceux qui ont protégé et défendu nos frontières durant la guerre d’Algérie, elle a démontré, comme elle l’a toujours fait, «son dévouement à la patrie et sa Fidélité au régime républicain», et a soutenu, sans hésitation ni murmure, la révolution du peuple et de sa jeunesse et l’a protégée. Que Dieu veille et protège notre pays, la Tunisie éternelle, l’héritière de Car